Très souvent, lorsque j’échange avec des personnes récalcitrantes au suicide assisté, toutes me répondent : beaucoup de patients qui ont réclamé la mort avant l’heure fatidique sont revenus sur leur décision. Lorsque j’affirme que je préférerai le suicide assisté plutôt qu’une fin de vie comme mon papa, idem on me répond que je changerai peut être d’avis le moment opportun. A l’heure actuelle, non je ne pense pas, je n’ai pas envie de terminer mes jours avec un corps décharné et souffrant, je préfère être sûre éviter à avoir à supporter une agonie.
Comment peut on être sûr de ces affirmations ? c’est souvent la question que je me pose ; est ce par habitude de côtoyer des personnes en fin de vie .Car, à priori, ces derniers instants doivent être vécus….
Très souvent, je me pose cette question : comment mon papa a t-il vécu ses 2 derniers mois ? Pourquoi râlait il ? Avait il conscience de son corps ? A quel point souffrait il ? Pourquoi n’est il pas décédé plus rapidement. Là aussi, on me répond que ce n’était pas le moment ; qu’il avait peut être envie de rester avec nous ……Ces hypothèses me hantent plus qu’elles ne me réconfortent. Si réellement il avait préféré vivre dans cet état plus longtemps, le corps médical a alors commis une erreur en le plaçant en protocole de fin de vie. Ce n’était peut être pas le moment de terminer sa vie. Et en plus, le corps médical l’a laissé attendre une mort quasi naturelle sans se poser des questions sur sa souffrance mais en se posant la question de savoir si sa fin de vie était bien conforme à la loi. Le médecin de l’HAD était plus préoccupé par le risque encouru de commettre une euthanasie la dernière année de pratique plutôt que de le soulager en lui procurant une sédation autorisée par la loi.
Ces questions me donnent des frissons : qu’a t-il pu ressentir durant toutes ces dernières années prisonnier de son corps ? Pourquoi n’a t-il jamais versé de larmes en notre présence mais en présence d’auxiliaires médicaux ? Avait il envie d’en finir …Pourquoi alors n’est il pas parti plus tôt.
Imaginons le cas suivant : l’aide active à mourir est légalisée , il rédige des directives anticipées en demandant à en bénéficier s’il se retrouve prisonnier de son corps. Quelques années ou mois plus tard il se retrouve du jour au lendemain prisonnier de son corps ou avec un état de conscience altérée, comment être sûr qu’il ne veut pas continuer à vivre ….Qui peut se permettre de répondre à sa place. Peut être a t-il apprécié les moments avec le peu de lucidité qu’il a eu….
Je voudrais rester humble par rapport à ces questions mais avoir passé 6 ans de sa vie avec un papa dans cet état, me permet toutefois de pouvoir me questionner sur toutes ces hypothèses. Les personnes qui affirment qu’il faut vivre impérativement ses derniers jours car ils ont du sens ne sont pas à la place des patients comme moi je n’étais pas à la place de mon papa. Respectons le souhait de chacun tant qu’il est lucide et conscient.
La question à se poser est par contre pour les personnes non communicantes. Doit on les laisser à agoniser. N’est il pas du devoir du médecin de soulager. Et quand la médecine ne peut plus soulager et que les jours ou mois ou années du patients sont comptés sans possible rémission que faut il faire ?